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15 octobre 2009 4 15 /10 /octobre /2009 10:05

Travaillant dans un institut médico-éducatif, dit IME, je m’occupe de la prise en charge de jeunes retirés de la scolarité classique au profit de l’éducation dite « spécialisée ».

Cela concerne tout enfant à partir de 6 ans qui ne peut suivre une scolarité normale du fait de ses troubles ou de sa maladie mentale, son incapacité à gérer le groupe, à intégrer des enseignements ou des apprentissages, comprendre les règles sociales. Les enfants accueillis sont psychotiques, présentent une dysharmonie d’évolution, c'est-à-dire que leur développement psychique, affectif et intellectuel ne suit pas le développement habituel des enfants, des jeunes trisomiques dont les capacités sont limitées, des enfants autistes, entre autre. La structure qui les accueille est dite IMP, pour institut médico-pédagogique.

A ces enfants est proposée une prise en charge à différents niveaux. Ils sont en petits groupes, encadrés par des éducateurs spécialisés qui leur font faire diverses choses, des activités manuelles ou d’éveil, des sorties, des jeux, du sport… Ils sont aussi pris en charge par plusieurs thérapeutes selon leur besoin, psychiatre, psychologue, psychomotricien, orthophoniste.

Toute ces pratiques visent à réduire la confusion qui règne dans l’organisation psychique de ces enfants, leur donner des repères dans les règles sociales, leur permettre d’acquérir de l’autonomie, dans leur tête et dans la pratique du quotidien, tous les fondements nécessaires à une intégration sociale future.

Arrivés à leurs 14 ans, ils sont placés dans une autre structure de l’IME dite IMPRO, pour médico-professionnel, où il leur sera enseigné les bases d’un apprentissage préprofessionnel si leurs capacités le permettent. En cas contraire, une structure particulière les accueille, toujours dans cette optique d’accompagnement et de maturation mais sans visée technique, jusqu’à leur départ de l’institution.

Malgré le plateau technique et la pluralité des intervenants, la tâche est complexe. La difficulté que présentent ces jeunes laisse souvent beaucoup de questions sur la démarche à adopter, les choses à faire, la conduite à tenir. Au fil des courants théoriques et des personnes rencontrées se pose inlassablement la question : qu’est-ce qu’on fait ? On se réunit, on évalue, on questionne, et, si tout se passe bien, on envisage, on planifie, on établie un projet pour le jeune, comprenant les différents objectifs pointés par les actions de chacun.

            Seulement, ça ne se passe pas toujours comme ça, tant la réalisation quotidienne se révèle chaotique. On manque de moyens et de personnel, de salles, de véhicules, de temps, de connaissances. De tout, on manque. On manque de confiance en soi et en l’autre, en notre collègue, notre chef ou le directeur. On manque de projet, on manque, on manque, on manque…

            De là donc naissent des conflits de tous ordres, notamment sur la vie institutionnelle en elle-même, et la maigre réunion du lundi est insuffisante à ce qu’il s’en dise davantage pour résoudre les conflits et problèmes que la semaine a posé.

            Mais au-delà de ça, il reste un fond conflictuel qui ne s’épuise pas. Depuis des années, la situation s’est améliorée. Du personnel en plus, des formations, des intervenants extérieurs, un renouveau de l’équipe, un cadre de travail dans une équipe qui se renouvelle. Cependant, le mécontentement persiste, pour quelques raisons tout à fait valables sur le plan pratique certes, mais aussi pour d’autres raisons qui restent… comment dire, non pas mystérieuses, mais discrètes, dans l’ombre, souterraines, c'est-à-dire relevant de l’inconscient institutionnel.

 

Malgré le professionnalisme de chacun, la confrontation quotidienne à la maladie mentale ou à la difficulté intellectuelle reste épuisante. Il faut répéter sans cesse les mêmes choses à ces enfants, les apprentissages sont très longs, récurrents au quotidien. Leur violence est parfois explosive, et la tendresse du regard posé sur ces chères têtes blondes voit souvent apparaître leur difficulté à appréhender le monde, la souffrance de l’incompréhension, l’impossibilité de se faire comprendre, la dépendance psychique, l’angoisse, la précarité de l’imagination. Certains jours, cela est d’une tristesse indescriptible.

Même si c’est une évidence, il faut rappeler la difficulté, voire la dureté qu’il y a à prendre ces enfants en charge, et cette dureté ne cherche que des échappatoires.

Etre dans le conflit entre collègues, c’est ne pas être face à la difficulté de la maladie mentale, non dans le sens de ne pas en être capable, mais dans une tentative d'évitement ( je n'ai pas dit : ne pas faire face).

On porte le conflit là où on peut le mettre, là où on peut s’exprimer et qu’il y ait du répondant. On ne peut pas être en conflit avec ou contre la maladie mentale. Elle demande de l’empathie, de la compréhension, un travail d’élaboration qui va venir se substituer à celui dont l’enfant est incapable. Elle réclame du temps de pensée, de parole. Ce temps là est d’une autre nature que le temps où on s’accroche avec ses collègues pour régler ses comptes, chacun exposant ses arguments et tous repartant mécontents, mais sûrs de ses positions. Mais là où du temps long et constructif serait nécessaire, puisque ce temps manque, on va au plus rapide, et on décline l’énergie en quelque chose de plus explosif, plus rapide, plus vite-dit, mais forcément de moins constructif.

le psychologue doit alors être présent, dans ces interstices du calendrier ou de l'emploi du temps institutionnel, pour donner la parole aux autres professionnels sur leur pratique, sur les fondements de leur engagement, sur leur conception de la maladie mentale. il faut leur donner la parole sur "être professionnel face à la tâche" pour dériver du traditionnel discours " être proffesionnel au milieu des autres".

De ce travail élaboratif peut naitre une pensée plus claire, qui réduira l'angoisse que le sujet provoque, et nécessitera moins de déviances conflictuelles faussement salvatrices telles qu'elles apparaissent au cours des réunions.

Cela est aussi valables pour le secteur hospitalier, ou pour tout secteur où s'occuper de nos frères humains nous cause une souffrance non-dite liée à la précarité de nos existences.

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commentaires

M
<br /> est ce qu'on trouve ces centres un peu partout en france?<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Bonjour,<br /> oui, ces centres sont très répandus.<br /> <br /> Je vous indique quelques liens qui vous en diront davantage.<br /> <br /> http://dcalin.fr/ime.html<br /> <br /> http://dcalin.fr/sites/ime.html<br /> ce site en répertorie u bon nombre, ainsi que les associations qui les gèrent.<br /> <br /> Merci d'avoir consulter mon blog, je reste à votre disposotion.<br /> <br /> <br /> Aurélien LEGRAND<br /> <br /> <br />

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