Adam Lanza, l'assassin de Newtown, Connecticut.
Une fois de plus, la faiblesse des propos journalistiques me forcent à sortir de ma tanière et à éclairer le monde du peu de connaissances que j’ai sur le sujet.
Au lendemain de la tuerie de Newtown, ça y est, enfin, les journalistes ont quelque chose à se mettre sous la dent, quelque chose qui va bien faire frémir dans les chaumières : le jeune Adam était autiste. Cette information a été recueillie auprès des proches, des gens qui le connaissaient, des copains de classe, assurément tous dument accrédités en médecine ou psychopathologie pour pouvoir poser un tel diagnostic sur le meurtrier. Son frère dit qu’il souffrait du syndrome d’Asperger. Soit dit au passage que, puisqu’il a rejoint l’école en étant armé dans l’idée de tuer, on peut penser qu’il y avait préméditation, et c’est le terme d’assassinat qu’il convient d’utiliser.
Je suis toujours embêté car moi non plus, je n’ai pas rencontré ce jeune et ne pourrait en tirer que des propos généralistes. Pourtant, je suis atterré par les lieux communs des médias et la juxtaposition de ces deux termes « autisme » et « assassin », ce qui me semble malvenu, induisant une crainte des plus infondée qu’il n’est pas nécessaire de susciter. Oui, il a tué des gens, oui, il était autiste, mais la concomitance des deux informations est inappropriée.
Deux idées peuvent alors se dégager :
1) les autistes peuvent-ils tuer des gens ?
2) les journalistes ne joueraient-ils pas sur la corde sensible de la maladie mentale pour effrayer le bas peuple ?
« Toujours selon des proches, il souffrait du syndrome d'Asperger, une forme d'autisme qui se caractérise par des difficultés dans les interactions sociales. Il était à la fois très gauche dans ses relations, mais aussi très brillant intellectuellement. » lisait-on ce matin sur Lepoint.fr. link
L’autisme se caractérise par un trouble de la communication et des habiletés sociales, rendant notre monde souvent incompréhensible à leurs yeux. Parmi leurs incompétences, ils souffrent notamment d’une incapacité à comprendre le langage non-verbal qu’expriment les mouvements du visage, les intonations de la voix, tout ce que le texte même de nos mots ne dit pas. Un exemple : entre « tu viens ? » et « tu viens ! », vous l’aurez produit vous-même à la lecture, il y a une différence d’inflexion de voix qui signale à l’auditeur une partie de nos intentions quant à sa réponse. Dans un cas, j’interroge, dans l’autre, j’intime. Nous connaissons tous cette lacune du message lorsque nous recevons des textos ambigus, où le message manque de précision car nous ne savons avec quel ton le lire. Pour un autiste, en toute circonstance, le message est incomplet, surtout quand on sait que plus de la moitié du sens du message est contenu dans ce qui n’est pas dit, les mimiques, les gestes, les postures. En l’absence de ces éléments, le message est tronqué et porte à confusion. C’est le quotidien de la vie de l’autiste. Certains ont une intelligence suffisante pour contourner ces difficultés et mettre en place des stratégies de compréhension, mais les aptitudes sociales sont d’une telle complexité que ça ne reste jamais que des adaptations correctives. Un handicapé, même avec de bonnes béquilles, n’aura jamais la mobilité et l’aisance de quelqu’un de valide.
Les constats de « troubles de l’adaptation sociale » qui émanant des témoignages des proche d’Adam Lanza pourraient y faire penser. Mais la mise en lien avec son geste reste une autre affaire. Parce que le lien « Il a tué des gens, il n’allait pas bien dans sa tête, oui, il était autiste », ce lien-là ne tient pas. Sans dire que « non, il n’était pas autiste », le lien direct entre son autisme et son geste est loin d’être évident. Et généralement, les autistes ne tuent pas des gens, pas comme ça, pas dans la préméditation et la planification, pas de façon massive comme ce fut le cas dans cette école.
Ce que je crains, c’est ce qu’espèrent susciter les journalistes. Jusqu’à un passé récent, autisme = maladie mentale, et c’est sur cette corde sensible qu’ils espèrent jouer. La peur du fou sanguinaire laissé en liberté, du tueur sournois qui surgit d’on ne sait où. L’information telle qu’elle se présente de nos jours flirte de façon éhontée avec l’angoisse. Quoi de plus vendeur que de répandre la peur, comme ce fut le cas pour le 11 septembre 2001 et à chaque anniversaire, ou pour Mohamed Merah qui fut l’évènement le plus médiatisé de ces dernières années. Il faut faire attention à ce que les journalistes mettent en avant pour faire frémir le peuple et vendre leurs salades.
Dernière remarque journalistique : "Avant de rejoindre l’école, il avait rangé sa chambre". Ouhlala… Conclusion : arrêtez de pousser vos enfants à ranger leur chambre, sinon vous allez en faire des tueurs.