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26 mars 2018 1 26 /03 /mars /2018 22:15

L’EHPAD dans lequel je travaille vient de réaliser une coupe PATHOS. Il s’agit d’évaluer à un instant T les besoins de l’établissement en matière de soins. Cela nécessite un long travail de collecte de données à l’avance, afin de tout valider le jour J.

En remerciement de cet effort, le score PATHOS obtenu correspond à une enveloppe budgétaire permettant une augmentation des moyens, et dans notre cas, cela nous permettait d’entrevoir une création de poste.

Nous avons donc noté dans ce questionnaire tout ce qu’il était possible de mettre, cotant le plus justement possible chaque soin apporté, et faisant valoir les grandes idées de nos valeurs institutionnelles comme la prévention, car nous préférons porter nos efforts sur le maintien de la personne en bonne santé plutôt que sur l’intervention médicale en cas de pathologie.

Et là, c’est le drame. Et PATHOS nous a bien ri au nez, car ces considérations de prévention, il n’en a que faire. « S’il y a des escarres, il y a des matelas anti-escarres, et des soins infirmiers. Quoi ? Comment ? Eviter que les gens aient des escarres en les mobilisant, en ne les laissant pas toute la journée au lit… ? Oui, sans doute, mais moi, je ne filerai pas un rond pour ça ! », nous a-t-il répondu (en substance).

 

Le réveil fut lourd, dur et triste. Les efforts ont été ignorés, les principes ont été étouffés, les valeurs ont été tues. Grosse gueule de bois après une soirée trop arrosée , et au cours de laquelle on n’aurait rien bu.

 

On ne s’est pas compris, PATHOS. On est sur un malentendu, et tu as conclu trop vite tout seul. Il faut que tu saches que le regard qu'on peut porter sur les gens, ça n'a pas de prix, donc ça ne coûte rien. S'attacher à une vision du genre humain dont les chiffres ne rendent pas compte est tout ce que tu ne peux pas évaluer.

Tu nous fais penser qu’il est de plus en plus urgent de défendre des positions qui ne se monnayent pas, pour montrer l'effet pervers du financier sur l'éthique, pour montrer que, sans éthique, le soin coûte plus cher.    

Nous avons nos formations, nos tactiques, nos équipes, chaque jour nous jouons le match d'un jour heureux de plus. Tu nous laisses jouer notre match de foot, en nous parlant à la fin des règles du ping-pong.

Alors, quels que soient les membres de ton équipe, financiers, administratifs, décideurs, demandez-vous, Messieurs, comment vous voudrez être traités, à l'heure de votre déréliction, quand les années ne vous laisseront plus le choix. Demandez-vous si la soupe systématique de 18h vous conviendra jusqu'à vos derniers jours, ou si la lueur mourante de votre ancienne jeunesse pourra longtemps endurer ce soin permanent. Demandez-vous s’il est raisonnable d’atteindre un certain score sur une échelle de douleur pour obtenir que quelqu’un vous réponde.

Quel est donc ce modèle que tu proposes, PATHOS, où il faut être malade pour exister ?

Ce que nous faisons, c’est accueillir. Accueillir, c'est prendre tout, les douleurs et les joies, les habitudes, les croyances et les préférences, entendre tous les «je préfère comme ça ». Encore faut-il que cette case existe. Et nous l'avons créée, sans un sou, sans soutien, sans être compris.

Les gens qui ont décidé de venir habiter à l’EHPAD ne sont pas que des corps à soigner. Il y a des âmes, des personnes, des êtres, à accueillir, et dont il faut prendre soin. Prendre soin, plutôt que donner du soin. Tu perçois la différence qui nous oppose ?

PATHOS, il te faut comprendre que les vieux sont encore des gens, et que vieillir, c'est encore vivre.

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