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24 septembre 2019 2 24 /09 /septembre /2019 07:53

J’ai découvert une bien étrange mécanique.

Lors de mes interventions en 3ème année de Médecine, sur la thématique « Relation Médecin-Patient », je commence mon cours en disant : « Je n’ai pas de bonnes nouvelles ». Je ne tiens pas particulièrement à faire oiseau de mauvais augure, ou quelque chose de menaçant comme « écoutez bien le psychologue, sinon, point de salut ! », mais ce qui les attend, ce sont les difficultés croissantes, les années d’épreuves qui se profilent, un volume de travail incommensurable, et, de plus en plus, se rapprochant, la rencontre avec le patient.

Une rencontre, ça ne se passe jamais comme prévu. Parce qu’on n’a pas le bon papier, parce que le patient qu’on croyait retors se montre coopérant, parce qu’on a été interrompu trois fois pendant la consultation et qu’on a pressenti que le patient avait quelque chose d’important à nous dire, parce que, finalement, on a une vague idée de ce qu’il a, mais au fond, on ne sait pas…. Et qu’on n’a pas le temps !

Je n’ai pas de bonnes nouvelles, et on ne va pas avoir le temps d’en parler. Cela fait un parallèle avec une annonce en cancéro ou quelque chose d’équivalent.

Et dans le même parallèle, les étudiants ont des réactions qu’on pourrait mettre en miroir des réactions post annonce : ils n’écoutent pas, ils se disent que ce n’est pas pour eux, qu’ils y arriveront sans (parce que ce que dit un psychologue, après tout, ça n'est pas prouvé scientifiquement), que ce n’est pas avec ça qu’ils seront meilleurs médecins, ils se demandent s’ils ne feraient pas mieux de changer de cours (comme lorsqu’on demande un second avis). Aux exemples et cas d’école que je leur présente, leurs réponses sont brutes et immédiates, et tout doit être tempéré par un « oui mais attendez, ce n’est pas si simple que ça … », comme quand un patient veut vous apprendre des choses lues sur Internet sur sa maladie.

Chers étudiants, les réactions que vous avez sont des réactions de défense (je n’ai pas dit « mécanismes de défense »).

Pour avoir une idée de ce dont je vous parle, posez-vous un instant et écoutez-vous.

Devant tout mon laïus sur la difficulté, souvenez-vous de ce que vous avez pensé. Tout ceci, c’est de la défense. Beaucoup de refus et de négation, sans doute. Du désintérêt, surement. De la banalisation, quand je vous ai dit que mon enseignement ne servirait certainement pas à obtenir votre examen. Du découragement ou de la révolte quand je vous dis qu’à la fin, c’est toujours la mort qui gagne. Il faut que vous sachiez que cela existe, car ça va s’infiltrer dans la relation et la moduler, comme la réception de ce que je vous ai dit au début de mon cours a modulé votre attention, votre décision de m'écouter ou pas. Et vos réactions ne furent pas bizarres, inappropriées, ou dirigées contre moi.

Toutes ces réactions, un patient va vivre quelque chose d’équivalent lors de l’annonce. Et ce qui vous a plu dans mon cours, c’est que je vous explique les tenants et les aboutissants, qu’on se prendre un moment pour en parler, que je vous fasse ressentir que j’avais entendu quelque chose de votre souci, quelque chose même que vous n’aviez pas encore très clairement formulé dans vos têtes, quelque chose de l’ordre de « Est-ce qu’on va y arriver quand même ? », mes réponses étant, en douceur : « Oui, rassurez-vous, on va y arriver quand même ».

 

Ce que vos ressentez, intérieurement, vis-à-vis de mon enseignement doit vous éclairer dans ce que vivra le patient au moment de l’annonce, et vous guider dans le soutien, la bienveillance et l’accompagnement attendus au milieu de la tempête des réactions imprévues.

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