Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 octobre 2018 2 23 /10 /octobre /2018 06:43

A l’affichage ce matin, on recherche un psychologue cognitiviste ou neuropsychologue. La lecture de la fiche de poste, hormis de démontrer une certaine méconnaissance de la fonction, soulève des questions.

 

Plusieurs éléments posent question :

 

- Parmi les missions, il y a « entretiens cliniques individuels ». S’il existe des psychologues cliniciens, c’est bien pour avoir une approche différente de celle des cognitivistes, qui ne s’y entendent pas en entretien clinique. Bien sûr, on peut recevoir les personnes, faire du conversationnel, mais ce n’est pas pour cela qu’on fera de la clinique.

- il est demandé une connaissance des pathologies psychiques, et à moins qu’on ne trouve un psy qui s’y connaisse en psychopathologie cognitive, il y a un hiatus. La psychopathologie prend sa source sur le fonctionnement affectif du sujet, et le fonctionnement cognitif n’a rien à voir avec ça. Bref, demander à un neuropsy de s’y connaitre en psychopathologie, c'est demander à un maçon de faire un petit peu d’électricité aussi, voire de réparer la voiture, et je ne suis pas sûr que ça marche. Il peut donner des caractéristiques de fonctionnement, mais pas forcément être calé sur les dysfonctionnements.

- il est demandé de "rendre compte de façon compréhensible". Alors, soyons clairs : c’est compréhensible, encore faut-il savoir de quoi on parle. c'est dingue; ça! Si on allait chez le médecin et qu'il nous disait : " Ah ouais, vous avez bobo" et que sur l'ordonnance, il écrivait "Des médicaments", on ne trouverait pas ça très sérieux. Or, quand les psychologues parlent, on trouve ça pédant, "ils font compliqué exprès", on utilise des mots que personne ne comprend. Il ne faut pas oublier que le psychisme est une chose un petit peu compliquée, et qu’on ne peut pas tout simplifier sans dénaturer. Certaines choses sont compliquées et restent compliquées. Rendre compréhensible, diminuer le niveau de complexité, vulgariser, simplissiser, et on finit par ne plus rien dire du tout. Et il faut prendre garde à cette illusion du « tout est possible, tout est réalisable » par la simplification. Parfois, il faut passer par le chemin de l’effort, c'est à dire ouvrir un livre, voire un dictionnaire, et en finir avec cette culture de la fainéantise ou de l'expertise facile. On n'est pas là pour faire des tutos sur les ongles.

 

Mais tout ceci, c’est du détail. Voici le point important : le neuropsychologue n’a pas de vision clinique de la situation. C’est-à-dire qu’il peut comprendre comment fonctionnent les choses, mais ça n’est pas ça le plus important. Ce qui compte, dans le chemin sur lequel nous sommes, c’est la reconnaissance du statut de PERSONNE à la personne handicapée. C’est quelqu’un, pas comme nous, qui fait autrement, mais qui peut faire tout autant. Et nous allons accompagner cette personne-là, telle qu’elle est, et non pas telle que nous voudrions qu’elle soit, ou telle que nous nous figurons qu’elle soit. Et reconnaitre sa particularité, ça passe par lui demander ce qu’elle veut, recueillir sa demande quand on rédige avec elle son projet, comprendre le monde vu par ses yeux, et le sens qu’elle donne à tout cela. Bref, lui poser la question : et toi, qu’est-ce que tu veux ?

 

Et c’est là que ça se joue, car ce que le sujet a à dire, ce n’est pas la psychologie cognitive qui l’entend. Le sens que la personne perçoit ou veut donner à son existence, ce n’est pas la psychologie cognitive qui peut l’aborder. Tous ces points, la dimension fondamentale qui est la question du sens, seule la psychologie clinique peut accompagner la personne pour s’en approcher ou l’exprimer. La psychologie cognitive a d'autres avantages, mais pas ceux-la.

 

Il y a donc une antinomie entre connaitre les fonctions cognitives de la personne et faire un projet POUR/AVEC le jeune. C’est comme connaitre les caractéristiques d’une voiture et les mettre en lien avec le plaisir de conduire. Ce plaisir est individuel, personnel, et chacun trouvera son plaisir avec telle ou telle voiture. Et ce n’est pas les caractéristiques du véhicule qui diront quelque chose sur ce plaisir.

Pareil pour les fonctions cognitives : elles peuvent éclaircir sur le fonctionnement de l’appareil cognitif de la personne, mais elles ne disent rien sur ce que vit l’individu, sur ce qu’il veut, sur le sens qu’il met à ce qu’il vit. Si on a pour projet que la personne soit auteur de son projet, l’accueil de sa parole, la reconnaissance de son statut en tant qu’individu, ce n’est pas la psychologie cognitive qui peut faire ça. Aussi, encore une fois, méfions-nous, méfions-nous du fait de se départir des psychologues qui réfléchissent, qui viennent poser la question de la parole de l’autre et de son sens, au profit d’une psychologie qui ne donnerait que des réponses, mais qui au fond parlerait bien peu de et à la personne.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Psychologie quotidienne d'Aurélien LEGRAND
  • : Psychologie de tous les jours, de la vie du psychologue, de ce qu'il pense, et là, qui vous le dit...
  • Contact

Recherche

Pages