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11 septembre 2009 5 11 /09 /septembre /2009 10:10
C'est sûrement par choix, mais à force de la regarder, je me suis rendu compte qu'on pouvait très bien se passer de la télé.
Certes, je suis un peu déconnecté du monde des vivants, de la réalité de TF1, mais heureusement, j'ai encore quelques fidèles résistants à mes côtés qui gardent un écran allumé plusieurs heures par jour...

Et quand y'a foot, c'est chez eux que je vais.
Qui dit foot dit pub, et c'est là que ça commence. Regardez ce qui suit, écoutez bien, j'analyse après...





Voila, rien d'extraordinaire, vous avez sans doute déjà vu cette pub.
Ce qui est toujours intéressant avec la pub, c'est que pour arriver à ses fins, c'est à dire qu'on achète, qu'on lâche l'oseille, et bien il faut nous séduire. Ou ça nous plait et on donne les soussous, et c'est le commerce, ou ça nous plait pas et on donne les soussous quand même, et c'est les impôts.

Il y a un rapport de séduction entre les deux partenaires, le vendeur et l'acheteur. Chacun a quelque chose que l'autre désire : un a l'objet, et l'autre a l'argent. Quand je dis " Que l'autre désire", c'est en dehors de toute acception lacanienne, on est d'accord, sinon, on n'en a pas fini. Mais effectivement, il y a quelque chose de l'ordre de l'échange, chacun a quelque chose qui lui fait défaut et qu'il voudrait bien avoir. C'est un peu le même schéma que la relation sexuelle.


Et il y a l'entremetteur qui est le publicitaire. Son rôle est de faciliter les échanges, que l'affaire se fasse. il est face à une balance pas très équilibrée. D'un côté, il y a le vendeur, et son produit, et qui veut vendre pour avoir plus d'argent, et de l'autre côté, il y a l'acheteur, qui veut bien acheter, mais bof, qui en a déjà un à la maison, qui n'est pas si tenté que ça, finalement...
Ah, la tentation... Et oui, car c'est un peu là que ça se tient, il faut tenter l'acheteur, et briser ce que ça sous-entend dans ses racines chrétiennes : Tu ne nous soumettras pas à la tentation.
Donc, c'est pas facile, mais il faut tenter l'acheteur, et infléchir la balance en sollicitant LE mécanisme qui peut contrer la moral anti-tentaton, c'est à dire le désir.
La pub a pour vocation de stimuler notre désir, de promouvoir l'envie, et de préférence par des moyens les plus inconscients possibles, de façon à ce qu'on ne puisse pas trop y réfléchir ou s'en rendre compte.
C'est comme ça que ça marche, à nous faire croire que...  Et les voies de promotion du désir, elles sont multiples, ce qui rajoutent indéfiniement des cordes à l'arc publicitaire...

Voyons de plus près cette publicité, dans ce qu'elle dit.
"Personellement, j'aime aller vite, très vite" Première scène, un jeune et bel homme, portable à la main au premier plan, qui s'autofilme,  et
qui interpelle sur l’identification. « Personnellement » dit-il, et il va nous démontrer comment, avec son téléphone, il est quelqu’un de bien, et qu’il nous invite à être pareil. Culte de la vitesse et de la performance, le voila qui court dans un aéroport plein de monde, mais ça ne le gène pas, il traverse, plus fort que la foule, bousculant une valise de touriste qui attend.

« Je n’ai pas peur du temps qui passe », référence aux crèmes anti-âge, qui ont la vocation contre-naturelle de ne pas subir le vieillissement. De la même façon, il est dit quelque chose de l’ordre du « toujours jeune », leitmotiv actuel.

« Je ne fais pas semblant », sur l’image d’une famille qui se fait prendre en photo dans une tenue vestimentaire blanche, simpliste, unie, dans une position ridicule. Une façon de dire «  je ne suis pas comme ça ».

« Et je refuse d’attendre, d’attendre » sur des images de vieux qui attendent leurs valises à l’aéroport ( on est toujours dans l’idéologie de la jeunesse vive et rapide, remuante face aux vieux), ou d’un homme cinquantenaire bedonnant à la peau très blanche ( donc pas bronzé, signe qu’il ne profite pas du soleil, de la plage et des joies des vacances avec les nanas), en slip chaussettes et sandales ( code vestimentaire repoussant) face à son barbecue. Comme pour la famille de la photo, ces images sont contre identificatoires, c'est-à-dire qu’en fait, on est bien d’accord, on ne veut pas ressembler à cela. Juste un point sur un travers qui s’insinue : attendre devant un barbecue, ce n’est pas attendre. C’est faire cuire des trucs qu’on va manger après, et ça prend du temps pour que ce soit bon, parce que le barbecue, quand c’est bien fait, c’est bon. L’image peu attirante de cet homme occulte une autre idée, celle de prendre son temps pour profiter des choses. Mais il faut aller vite…

On passe alors, suite à ces contre-exemples, à la version positive.

« Il est temps de tracer sa route », appel à la promotion personnelle (avec un portable, tu parles…), succès, ambition, réussite, et unicité, on va faire quelque chose de personnel, innovant, qui va nous sortir du lot. On voit alors des jeunes qui courent, qui font les andouilles dans une piscine d’intérieur, signe que, financièrement, ça va. Les images vont alors très vite, il y a des filles, des scènes très rapides, ça va vite, les filles touchent les garçons, sensualité, glamour, on est jeunes, on fait les cons, la vie est à nous…

« J’ai aussi besoin de voir, de parler, de toucher, de communiquer, de partager d’aimer, de profiter de la vie », ensemble de besoins dans lesquels tout un chacun peut se reconnaitre, et donc, adhérer au discours. Il y a plein d’autres moyens de faire tout ça sans avoir recours ou besoin d’un téléphone… Cela dit, parler, communiquer, d’accord, mais toucher par l’intermédiaire d’un téléphone ???  Une référence à l’écran tactile ??? C’est un peu faible.

Le final, « Avec mon nouveau bidule, je vis à fond, gnagnagna, la vitesse sans retenue». Ce « vivre à fond », « sans retenue » parle en fait, comme tout ce que propose la technologie actuelle, de l’extension des limites humaines. Le « toujours plus » se trouve enfin des moyens dans la technique. Et c’est ce que fait miroiter la publicité : ce « un peu plus que vous dont vous rêvez », ce vous-même dont les limites s’étendraient au-delà de vous-même, jusqu’aux frontières de votre imagination, de votre fantasmatique, la technique vous l’apporte.

La publicité joue sur le tableau du manque à être. Ce que nous ne pouvons être par nos limites physiques, nos corps, nos cultures, nos interdits et nos peurs, la technique nous donne les moyens de passer outre, d’être illimité, de rester jeune, de pouvoir, pouvoir, pouvoir…. Et sans manque! Sauf que, sans manque, pas de créativité.

 

« Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » se trouve débouté, car la jeunesse sait (croit-elle), avec ces accès permanents aux connaissances du Net. Mais si c’est le Net qui sait, ce n’est pas l’homme. Et la vieillesse peut, enfin, si elle est bien équipée, pas trop malade, si elle a bien travaillé pour avoir une retraite convenable, si elle est ancrée dans son époque, si elle a suivi le courant, bref, si elle est restée jeune, donc si elle n’est pas vieille.

 

Comme une empreinte en négatif, cette publicité, en tentant de nous attirer du coté de notre désir, nous parle de tout ce qui nous fait défaut. Ou plus exactement, de tout ce qu’il est nécessaire de nous faire croire comme nous faisant défaut pour combler ces manques par des objets. Mais les manques sont là, inhérents à notre condition humaines. La technologie peut faciliter notre vie avec ces manques, mais elle nous chante des chansons de sirène dont les paroles disent qu'elle les fera disparaitre...

Mais faut-il être si aveugle que ça ? Ce qui nous est promis là, la vitesse, la jeunesse, la réussite, est-ce un téléphone qui va nous l’apporter ? Qu’en est-il de la question du « Qui suis-je ? » à travers ces appendices qui me proposent surtout « d’avoir ». Et ce temps qui passe, qui fait peur quoi qu’on en dise rien qu’à voir tout ce qu’on met en place pour l’éviter, « Et puis la Mort qui est tout au bout », toute cette technologie qui nous en distraie, nous détourne le regard, qu’adviendra-t-il lorsque, trop vieux pour avoir recours à ces avancées techniques, je ne serai plus que seul face à moi-même, à mon vieux corps, à mes vieilles convictions dans un monde dont le temps ne sera plus vraiment le mien ?

Qui serai-je à ce moment là ?

 










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