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10 novembre 2009 2 10 /11 /novembre /2009 22:04

Nous nous pencherons aujourd'hui sur le cas d’Anne, une jeune fille Infirme Moteur Cérébral, dont les parents veulent installer une webcam dans sa chambre, au pied de son lit.
Bien sûr, cela suscite beaucoup de remous, de commentaires et autres "ça défraye la chronique", près de 48000 connexions sur le site DoudouWorld, un millier de messages laissés par les internautes. Donc, y'a pas de raison, le psychologue y va aussi de son petit mot. Je relève au passage que personne ne m'a rien demandé, mais c'est ça qu'est bon avec le net, tout le monde peut dire son mot, même et surtout si on ne lui a rien demandé...

Reprenons le problème, et les questions qu’il soulève. En préambule, je tiens à préciser qu’il n’y aura dans mes propos rien de jugeant ou réprobateur, je voudrais juste mener une réflexion avec les éléments dont je dispose, c'est-à-dire la presse. On ne s’exprime que sur des personnes qu’on a rencontrées, et le psychologue ne répond pas aux questions qu’on ne lui a pas posées.


1) La jeune fille. Anne souffre ou vit avec une infirmité motrice d’origine cérébrale, elle est dépendante pour tous les actes de la vie quotidiennes, ne possède pas le langage mais il semble (d’après les images vues à la télé, ça vaut ce que ça vaut) qu’elle puisse se faire comprendre de ses parents. Dans la mesure du possible, ce qui doit guider la démarche est bien sûr son intérêt, sa dignité, ce qu’elle voudrait, elle s’il lui était donné la possibilité de répondre à la question.

Par ailleurs, qui supporterait d'être filmé en permanence? Les expériences télévisuelles du type Loft Story n’ont pas donné de très bons résultats quant au manque d’intimité engendré par ce regard constant de l’autre.

Mais au-delà de ça, il faut aussi se demander pourquoi, à 32 ans, est-elle encore chez ses parents? La réponse la plus évidente est celle du manque d'établissements d'accueil, qui font défaut, il est vrai. Quelles solutions ont-elles été proposées à cette jeune femme et à ses parents ? S’agit-il d’un refus de placement des parents, car il n’est jamais facile de confier ainsi la mission parentale à d’autres personnes, même des professionnels. Malgré les difficultés quotidiennes, il s’agit encore et toujours de son enfant, et parfois, le placement est une étape infranchissable.


2) Les parents. Une des questions qui va nous préoccuper est de savoir : d'où émane leur projet? Faire partager la vie quotidienne de leur enfant. Que veulent-ils montrer ? Est-ce qu’il s’agit de leur douleur, de leur solitude face au handicap de leur fille ? Il s’agirait alors de pointer les lacunes du système, du manque d’établissements évoqué plus haut. Ou veulent-ils faire partager leur famille, permettre de rencontrer véritablement Anne, demoiselle, la personne, ce qu’elle fait, qui elle est. Et il y a derrière un message plus humaniste : les handicapés vivent aussi, et on peut le montrer. Sans aucun doute, ces gens en savent davantage que ce que veulent bien en retranscrire les médias sur ce qu’Anne peut vivre. Que sait-on de la dynamique familiale avant d'en parler? Et c’est ce qu’il faudrait savoir pour comprendre leur démarche : Anne, sa place, sa famille, a-t-elle des frères et sœurs...

 

3) Le regard extérieur. Car ces images livrées au Net, à qui s’adressent-elles ? Qui regarde? D’autres personnes handicapées, qui se verront offrir un nouvel outil de communication ? Leur famille, qui verra qu’il se vit la même chose ailleurs, réduisant alors l’isolement que crée cette sensation d’être seul à vivre ça ?

Qu'est-ce qu'on va voir, nous autres, que cette situation ne concerne en rien, sinon dans la convocation de notre humanité propre ?

Finalement, il y a davantage de questions que de réponses. Ce qui est sûr, c’est que l’idée parentale est loin de vouloir nuire à leur fille. Mais elle, concernée au premier chef, et qui ne peut rien en dire, qu’elle est sa place ? Et de cette question qui restera sans réponse, on peut en faire ce qu’on veut, sous la bannière de « vouloir le bien de l’autre », problématique qui se pose sans cesse à partir du moment où on prend quelqu’un en charge.

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