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9 juin 2013 7 09 /06 /juin /2013 13:01

L’actualité de ces derniers jours me porte encore une fois à sortir de mon trou. Difficile de rester devant la télé sans avoir envie de lui jeter des trucs lourds à la tête. Les sujets compliqués comme du mariage pour tous, qui va chercher bien au-delà de l’union de deux personnes, avec son cortège de points de vue approximatifs, basés sur l’expérience propre, sans recul, les partis-pris de tout bord qui sont davantage médiatisés que les cellules de réflexion, tout ceci me semble, à un autre niveau, militer pour un affaiblissement de la réflexion.


            Loin d’inciter à réfléchir, il est, pour le spectacle télévisuel, plutôt question de trouver la phrase choc, de présenter l’argument péremptoire, l’image qui touche et impacte directement la conscience. Ça devrait être un indicateur, d’ailleurs, à chaque fois qu’on ne sait trop quoi répondre, qu’il n’y a pas trop grand-chose à rétorquer mais qu’au fond, sans qu’on puisse l’expliquer, on est intimement en désaccord avec les arguments présentés.

  

          J’ai de plus en plus de mal à me défaire de ce regard critique face aux média. Le dernier exemple concerne bien entendu l’affaire Clément MERIC. En reprenant la chronologie des faits, on apprend qu’un jeune homme est mort lors d’une bagarre. Ensuite, il est mort agressé par des gens de l’extrême droite. Des gens de groupuscules fascistes, très violents. En fait, il a carrément été exécuté en pleine rue. Il s’en dit long sur l’innocence de la victime, de belles photos de sa jeunesse souriante tourne en boucle sur les écrans. Puis, peu à peu, d’autres éléments arrivent. Ce bel innocent ne l’était pas tant que ça, appartenant lui aussi à une extrémité, de gauche celle-ci. L’agression barbare et aveugle se dévoile comme étant en fait une bagarre de bandes, un règlement de compte. On entend un témoignage affirmer que ceux de droite n’ont pas particulièrement attaqué ceux de gauche, et peut-être même s’agirait-il du contraire.


            Finalement, on ne sait plus à quoi s’en tenir, sinon qu’un jeune homme est mort pour ou à cause de ses idées, ou de la faute à pas-de-chance de s’être trouvé là, sur la trajectoire du poing d’Estéban. (Autant le dire tout de suite, les jeux vidéo n’ont que peu à voir dans cet état de fait, à moins qu’on me démontre que les vraies premières guerres de l’humanité ont eu lieu seulement après 1958link, et tout ce qui a eu lieu avant n’était que de l’échauffement.)


            C’est dans cette incertitude de l’information qu’on peut y loger tout l’imaginaire qu’on veut. C’est là qu’on glisse à quel point la victime était un être fantastique qui n’avait rien demandé, et, par contrecoup, l’agresseur est un individu ignoble qu’on va donc charger de tout ce qu’on rejette. A partir de là, on ne parle plus de Clément et d’Estéban, mais on parle de nous, de nos peurs sociales, de notre violence, de notre volonté d’éradiquer la différence. Seule la Justice, à l’appui des faits avérés, avec l’aveuglement de la lenteur de son pas, continuera à parler de ce qu’il s’est passé dans la rue Caumartin.


            De notre côté de spectateur, devant la terreur que produit ce surgissement de la mort, que nous reste-t-il à faire ? On cherche d’abord et avant tout les coupables, le grand jeu du qui-qu’a-fait-quoi ?, histoire d’organiser quelque peu le chaos consécutif à cette onde de choc. Mais comme on est loin de pouvoir tout savoir, de répondre à toutes les questions, c’est là qu’on remplit les trous avec du bavardage, qu’il y a la queue au plateau télé, que les hommes politiques ont tous leur mot à dire. Et on le fait tous, en participant à des libres-antennes, en commentant sur des sites, en mettant des billets sur des blogs (comme moi d’ailleurs…). Ça n’avance à rien, mais ça occupe. Pendant ce temps de caquetage, ça laisse le temps à l’actualité de refroidir un peu. On passe de débats en débats, d’autres infos surviennent et ça s’oublie. L’émotion s’apaise. Mais point trop n’en faut, bien sûr, car l’émotion et la peur sont extrêmement vendeurs pour les média : il convient donc de ne pas trop laisser retomber le soufflé.


            Mais à quel moment allons-nous réfléchir sur ce qui justifie leur existence ? Pourquoi de tels groupes existent-ils, d’ultra-droite ou d’ultra-gauche ? De quoi est fait leur terreau nourricier ? S’agit-il que de bêtise et de haine animale, un échec flagrant du système scolaire qui n’aurait pas su enseigner de plus saines valeurs ? Sont-ce des raisons sociales qui nous donnent quotidiennement l’opportunité de détester l’autre, ou, à bas bruit, de s’en moquer (comme les Anges de la TéléRéalité nous en donnent un exemple quotidien) ? Est-ce ainsi présenté parce que ça fait vendre ?

Et si ça se vend, reconnaitrons-nous qu’en tant que spectateur, nous sommes friands de cette information, de ce spectacle désolant où ça s’engueule ? Ne sommes-nous nous aussi plus amateurs de la résolution expéditive à la Chuck Norris par rapport à un long débat sur LCP (la chaine parlementaire, canal 13) ? Plusieurs jours après les faits, ce qu’il en reste n’a plus grand chose à voir avec la douleur des familles. On en est à dire des choses sur ce qui avait été dit de ce qui avait été dit. Et à charger l’Autre de tout ce qu’on voudrait ne jamais voir apparaitre chez nous, de le dénoncer et de le bruler comme un Mr Carnaval.

Surtout, ne zappez pas…

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