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27 août 2010 5 27 /08 /août /2010 09:17

Une longue période d'inactivité sur ce blog, plus longue que les vacances, sans doute due à une certaine lassitude face à ce blogging, cette course à l'info, cette profusion de discours non entendus... Avec un peu de courage, je devrais m'y remettre cette année... Pour le plaisir de tous.... ( enfin, "tous", chez moi, ça fait 4)

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23 juin 2010 3 23 /06 /juin /2010 10:49

            C’est très à la mode, alors, on va pas se gêner, on va parler de l’équipe de France de foot…

            Et patati, et patagna, et pourquoi qu’ils ont perdu ? ! ! Et quand vous voyez combien qu’ils sont payés ! ! Et vous voyez l’exemple qu’ils donnent à notre jeunesse ! ! Et il va falloir tout réformer à la fédération ! Et qui c’est qu’a parlé sur Anelka ???? Enfin, comme on peut le voir, les sujets de débats philosophiques ne manquent pas, et comme c’est trop bon de hurler avec les loups ou de faire celui qui sait mieux que tout le monde, je vais moi aussi apporter mon point de vue éclairant et décisif sur cette question Ô combien centrale dans nos existences humaines ou face à la machine à café : « Mais pourquoi ça marche pas ? »…

            Oui, c’est toujours marrant ce phénomène. Actuellement, alors que les journalistes se déchaînent, tous les articles sur le net accompagnés d’un « Faire un commentaire » regorgent de mots de lecteurs. Bien sûr, sur le nombre, il est possible de trouver des avis de vrais supporters, renseignés et connaissant leur sujet, mais en gros, à part être fier d’avoir compris la règle du hors-jeu, ou regarder ces onze clampins courir mollement derrière leur ballon, qu’est-ce qu’on y connaît ? Qu’est-ce qu’on en sait des rouages de la Fédération, des contrats publicitaires, des enjeux financiers entre les joueurs et les clubs, les municipalités (parce que dans les grandes villes, on ne peut pas avoir un club qui brasse des millions d’euros par an sans que ça n’intéresse la municipalité), et tous les autres trucs derrière le rideau qu’on n’imagine même pas mais qui, petit à petit, donne au foot l’image qu’on en a maintenant ? Le foot qui ne se passe pas sur le terrain devant les caméras, qu’est-ce qu’on en sait ?

            Mais on aime bien dire quand même, apporter sa pierre à l’édifice… comme je suis en train de le faire maintenant, et être lu par… Ouhla, deux voire trois personnes…

            Alors, pourquoi ont-ils perdu ? Ici comme ailleurs, la complexité. Oh, pas du foot en lui-même parce que ce n’est pas ce qu’il y a de plus compliqué quand même, mais la complexité de l’activité humaine ou de façon plus restreinte, de la dynamique d’une équipe. Et cette terrible question : à qui la faute ? On ne s’est quand même pas gêné pour faire peser sur cette équipe le destin du pays, équipe dont la moyenne d’âge est de 27 ans et demi. Une équipe championne du monde… Mais que nenni ! Si la France a remporté la Coupe il y a 12 ans, il n’y a plus que Thierry Henry qui reste le témoin de cette époque. A part lui, il n’y a pas de champion. Est-ce qu’on leur demande vraiment quelque chose dont ils sont capables ? D’endosser un maillot porteur d’une étoile dans laquelle ils n’y sont pour rien. Ça, c’est une des pressions psychologiques. Et fixer à quelqu’un des objectifs sans qu’il ne soit en mesure de les atteindre est un facteur de stress du travail. Et un stress trop fort engendre l’échec de la réalisation des objectifs. Pour contrer ça, il y a la dimension d’équipe, qui permet au groupe de se porter et de se dépasser, de faire que le total de l’addition des individualités dépasse la somme de ses éléments. Le rhum, ça pique, le coca, c’est sucré, mais le rhum-coca, ça bourre deux fois plus vite… Est-ce que c’est ça qui à manquer ou autre chose, ou le monde dans lequel vivent ces joueurs et dont on ignore tout, car qui sait ce qu’est le monde quand on est rémunéré un million d’euros par mois ? Et devant cette complexité, celle de ces hommes, de ceux qui les managent, des intérêts secrets de la Fédération, de ce qu’il se passe dans la tête et dans les cœurs et derrière la porte du vestiaire dont rien ne devrait sortir, qui peut dire ce qu’il s’est passé ?

            Moi, tout qu’est-ce que je sais, c’est que j’aime regarder ces équipes qui jouent bien au football. Et que si ça s’appelle le Mondial, il y a des chances pour qu’une équipe comme l’Espagne fédère toute l’Amérique du sud, ou qu’une petite équipe genre Japon ou Corée monte un peu dans le tournoi et commence à passionner les gens qui vont alors supporter cette équipe, s’enthousiasmer, ne serait-ce qu’un match. Comme tous les soirs, on se retrouve à des millions, des centaines de millions devant notre télé, et on est tous là, devant l’action, devant le débordement du latéral qui centre pour son attaquant démarqué devant une cage vide, et que là, et partout dans le monde, au même moment, AU MÊME MOMENT, on est un ou deux milliards de mecs comme moi, ou tout différent, à sauter en l’air en même temps.

Ensemble.

En même temps.

Sur toute la Terre….

Et ça, ça me plait.

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18 juin 2010 5 18 /06 /juin /2010 18:06

 

Voila, l’équipe de France a perdu.

Grosse déception généralisée. Intéressant d’entendre les commentaires, car tout cela ressemble à de la résolution post traumatique.

On assiste aux 6 phases CNCMAA

Choc, comme Raymond qui ne peut rien en dire après le match

Négation, « Non mais c’est pas vrai qu’ils jouent aussi mal »

Colère, « Non mais vous allez bouger votre cul oui ?!?!

Marchandage, « Non mais qu’est-ce qu’il vous faut encore ? La suite à 500 euros, c’est pas assez ?? »

Abattement, « C’est désespérant de les voir jouer comme ça… »

Acceptation, « Bon, il reste un match… pour l’honneur… parce que là… »

 

Oui, grosse déception, et on ne sait que penser. Surtout, on ne sait que penser qui pourrait nous consoler, vu que le rendez-vous fut manqué, le ratage, le manque. On fait des calculs, les probabilités qu’on passe encore le premier tour, si on gagne et que le Mexique ou l’Uruguay perde, on se perd dans des conjectures, dans des « Et si.. » ; on cherche des raisons, pourquoi tel joueurs ici et pas celui-là, l’entrainement, la préparation, la motivation, le mental, on incrimine Raymond, un peu chef de tout ça, mais qui n’y est pas pour quelque chose plus que les autres... Bref, on gratte cette réalité pour qu’elle dise pourquoi, alors qu’il n’y a rien à en dire : « C’est » et puis c’est tout.

Mais qu’en est-il ? Car malgré tous nos commentaires, nos critiques, nos railleries, pourrions-nous nous passer d’eux ?

Est-il envisageable, comme au cours d’un mauvais spectacle, de se lever et partir ? Imaginez, sur TF1, match de l’équipe de France, 12 000 téléspectateurs… Bien sûr que non ! C’est plus fort que nous. C’est moche, c’est inintéressant, mais on va regarder quand même, des fois que… Et là, la rêverie reprend. Des fois que quoi ? Ben des fois qu’on gagne, qu’on ait un beau match… La dimension imaginaire reprend le pas, et vient supporter quelque chose qui défaille dans la réalité. On le sait bien, ce n’est pas en cinq jours que l’équipe va comprendre les fondamentaux nécessaires à la réussite du jeu d’équipe. Pourtant, on va jeter un petit coup d’œil quand même… même si ça nous parait aberrant, même si avec ces salaires, ils pourraient courir un peu plus vite. Le projet d’une équipe, c’est sinon de gagner des matchs en marquant des buts, au moins de ne pas perdre en en prenant. Bon, là, ça marche pas. Et ce qui est formidable, c’est que c’est la Loi du Sport. Des fois on perd, des fois on gagne. Des fois, les autres sont plus forts… Vous vous imaginez répondre ça à votre patron qui vous fait remarquer que vous ne travaillez pas assez : « Ah ben oui patron, des fois, c’est comme ça, on n’y peut rien… »

« Une autre fois peut-être… »                  Et tout ça pour des sommes hebdomadaires qui dépassent le sens commun. Ça défie la logique, la bienséance, le normal.

Pourtant, pas question de supprimer ça. Ça marche pas, ça coute cher, STOP à l’équipe de France ! Non, on ne peut pas faire ça.

C’est comme la cigarette, la télé ou l’iPhone. C’est pas bon pour la santé, ça rend débile, ça occupe l’esprit. C’est comme la compulsion de répétition, les douleurs exquises, le masochisme. Il y a du plaisir derrière cette souffrance qui, passée au filtre de notre inconscient, se transforme en quelque chose de suffisamment fort et addictif pour que, bien que nocif, ça nous soit nécessaire. Ça a un petit coté drogue douce, pour oublier, là encore. Ou pour tenir.

« Du pain, et des jeux… »

 Et puis, derrière tout ça, le pognon, beaucoup de pognon, beaucoup beuacoup beaucoup de pognon........ encore plus de pognon pour la FIFA, encore plus de match, de droits télé, encore plus de pubs, encore plus d'annonceurs, encore plus de budget publicité dans les sociétés, encore plus de hausse des prix au supermarché....

Ah ben oui, on peut pas tout avoir quand même....

Pas trop de pain? Ben il reste les jeux. Bon, j'y vais le match commence...

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 21:50

            L’actualité du jour, la victoire de Marseille, la fête dans le vieux port, quelques dérapages et autres comas éthyliques, frictions avec la police.

            L’interdiction des apéros géants, les risques de dérapage et comas éthyliques, les frictions avec la police…

Actuellement, il est dit que les apéros géants spontanés présentent des risques sociaux pour la santé et l’ordre publics. Or, ces risques sont mis en avant pour les interdire. Si les CRS, face à une situation prévue, peuvent éviter que les choses ne s’emballent, ils ne vont pas empêcher les supporters de picoler, puis de s’emballer. Mais comme le foot est très lié à la fête qui en découle en cas de victoire, et si les fêtes de victoires affichent les mêmes risques, pourquoi ne pas les interdire, et si cela est impossible, pourquoi ne pas éliminer le problème à la source, c'est-à-dire supprimer l’élément déclencheur, c'est-à-dire le foot lui-même…

            Plus de foot, plus de victoire, plus de risques, plus de gens qui boivent sans retenue dans la rue, plus de dilemme à interdire les apéros géants, les CRS restent dans leurs casernes et c’est de l’argent public économisé.

            Au-delà de ça, le phénomène des apéros géants via les sites communautaires (en gros, on reçoit un message par Facebook disant « rendez-vous au pied de la cathédrale à 17 h avec un pack de bières ») présente plusieurs aspects inquiétants. Tout d’abord, il y a ce qu’on appelle la sécurité publique. Là, inutile de dire que c’est un faux argument, car nombreuses sont les fêtes qui rassemblent beaucoup de monde, et ça ne pose pas systématiquement de problèmes. L’autorité publique met en avant qu’il faut prévoir pour éviter le pire, sinon les forces policières, au moins la sécurité civile au cas où ça boive trop ou que les esprits ne s’échauffent, parce que le cocktail foule plus alcool est parfois délicat…

Egalement la sécurité civile face aux comas éthyliques, deuxième argument. Là aussi, on s’arrête deux secondes et on réfléchit, parce que des fêtes où ça picole de façon outrancière, ça n’est pas ça qui manque. Je ne suis pas sûr et certain que le législateur prendrait le risque de faire interdire les fêtes de Bayonne ou de  Dax, et d’empêcher les gens d’aller à Pampelune. Quoique, ça se tente… Allez dire aux basques qu’on va réduire les doses de bibine par personne, on va rigoler cinq minutes (prévoir beaucoup beaucoup de CRS). Mais là aussi, les pouvoirs publiques peuvent arguer du fait que ces festivités sont prévues, encadrées, et qu’on en contrôle ce qu’il est possible de contrôler. Ce qui n’empêche ni les bagarres ni les excès de boisson. Mais c’est contrôlé… Personne ne rigole ! ! !

 

En fait, tout porte à croire que ce qui soucis davantage les pouvoirs publics derrière ce phénomène, c’est cette capacité nouvelle que nous donne Internet : la mobilisation massive. « El pueblo, unido, jamas séa vencido », l’antonyme même de « diviser pour régner ». De quelques clics, on envoie une information à des milliers de personnes. Bien sûr, toutes ne pourront pas venir, mais les chiffres des apéros géants sont étonnants. 2.000 ici, 5.000 là, 10.000 à Rennes je crois, prévenus et arrivant en quelques heures. Est-ce que les pouvoirs publics ont les moyens de mobiliser de quoi contenir autant de monde en un temps si court ? Il semblerait que non… Et là semble poindre une menace d’un nouveau genre. On parle de forum, de sites communautaires, où on raconte nos journées ou nos expériences du dernier épluche patate, le Willi Waller 2006, autres petites choses qu’on appelle la vie… Mais si on se sert du même outil de jonction, de liaison entre les gens pour faire un truc bien précis, une action concertée, pour se rassembler pour faire une chose, A TOUS, qu’est-ce que ça peut bien donner ? Qu’est-ce qui va se passer le jour où le mot d’ordre ne sera plus « apéro » mais « lapidation » par exemple, le jour où ça dira « Non » ?

Pour citer le bienveillant humaniste Brice Hortefeux « Le problème, c’est pas quand il y en a un, c’est quand ils sont plusieurs… ». Avec Facebook, on est tout de suite des milliers, et il est probable qu’au-delà des arguments que la presse rapporte à grands coups de sensationnalisme, il y ait derrière tout cela une crainte plus grande d’une organisation qui, bien conduite, pourrait secouer gravement l’ordre sociale. « A tout moment la rue peut aussi dire non » Eiffel.

link

 

Un autre point est à remarquer. Le fait que ça existe. On envoie un message, et les gens viennent. Pour la plupart, c’est pour « faire le truc ». Répondre à l’appel, participer, pour le fun, mais que penser du fait que justement, les gens répondent présents ? Pour le côté impromptu, pour l’effet de surprise, la spontanéité, parce que c’est un phénomène nouveau et que ça amuse ? Parce qu’il y a un petit coté transgressif, et qu’au couvert de la foule, on ne fait pas vraiment de mal à boire un verre dans la rue, alors, pourquoi pas…….

Je pense qu’il s’exprime, dans cet engouement nouveau, quelque chose de particulier d’un malaise social, d’un flirt avec l’illicite, le subversif, le non-contrôlable par l’autorité. Un besoin d’exaltation, ou d’exultation. Un moyen d’oublier. Ça se présente comme quelque chose de très adolescent, dans l’accaparement d’un outil très contemporain, moderne, utilisé dans le défit du pouvoir en place. Pour l’autorité qui voit son pouvoir contourné par une jeunesse inventive, ça dit aussi que quelque chose va mal. Et ça le dit joyeusement, autour d’un verre, mais encore plus bruyamment qu’au cours des manifestations qui font bruit de fond maintenant, alors que les bruits de la fête deviennent assourdissants. Comme si on pouvait en rire, comme si on pouvait boire à la santé de tout, comme si on ne recherchait plus que l’ivresse.

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15 mai 2010 6 15 /05 /mai /2010 14:57

 

 

Le port de ce vêtement pose d’abord un problème très terre-à-terre. Sans s’en rendre compte, on identifie ou reconnaît les personnes à partir d’éléments du visage, généralement dans un triangle comprenant les yeux et la bouche. C’est un process très rapide de captation d’informations, que le cerveau traite aisément. Ce fut mis en évidence par une technique dite Eye-Tracking. On voit les effets de ce processus lorsqu’on est en voiture, par exemple, et qu’il se passe quelque chose de notable qui va nécessiter de retrouver les protagonistes : on cherchera d’abord à voir le visage de l’autre conducteur, et il y a fort à parier qu’il nous sera inconnu, alors que l’élément le plus pertinent de la situation serait plutôt son immatriculation. Mais c’est ainsi, on regarde le visage parce que c’est là que sont les informations essentielles, la possibilité de reconnaissance, le décryptage de l’intention, la communication non-verbale. (Souvenir personnel, je me suis rendu compte que pendant mon temps d’armée, je regardais chez les gens que je croisais d’abord leurs épaulettes car c’est là que s’affiche le grade, élément primordial pour savoir à qui on s’adresse (dans ce cadre là). Je m’en suis rendu compte à mon retour à la vie civile, car l’habitude s’était maintenue bien qu’elle n’ait plus de fonction).

Le niqab, de par sa forme, ne laisse voir que les yeux, ce qui rend, sinon impossible, tout du moins peu aisé la reconnaissance de la personne qui le porte. Mais là vient une autre question : comment, dans les pays où le niqab est porté, fait-on pour se reconnaître ? Les femmes voilées intégrales restent-elles toutes la journée à la maison, ou peuvent-elles faire des courses ou voir des amies ? Vous imaginez, deux copines qui en débinent une troisième, jusqu’à ce qu’on se rende compte que l’incriminée est une des deux protagonistes…

Sous nos latitudes, dans notre système culturel, on ne reconnaît pas, on n’identifie pas les personnes habillées ainsi. Ça a un petit côté fantomatique, mystérieux. Et l’inconnu provoque de l’inquiétude, ça, pas besoin de chercher bien loin. Il y a derrière ce voile une vieille inquiétude archaïque, animal, biologique qui nous met en garde contre l’inconnu, ou les intentions incomprises de l’autre. D’ailleurs, ce côté menaçant a déjà été exploité par un fait divers relatant le braquage d’un bureau de poste par des individus portant l’habit. On n’a pas ce genre de réaction quand on croise un franciscain ou un moine bouddhiste dans la rue, ce qui attesterait que la dimension religieuse est secondaire, mis à part la place particulière de l’Islam en France. On appose alors au niqab la différence de l’autre dit « menaçant », et au-delà tout le discours anti tout qu’on peut entendre là-bas, très à droite, et malheureusement de plus en plus proche, de moins en moins à droite.

Il y a une culture de la peur sociale qui est très tentante, et qui est le boulevard des lois sécuritaires. La propagande anti-juif des années 30 fonctionnait selon les mêmes règles.  Il faut un ennemi menaçant afin que nous nous serrions les coudes, ce qui créer de la cohésion sociale par réaction distinctive de cet étranger. Aussi mince puisse sembler cette référence, Anne Sylvestre chantait dans « Le petit sapin » ce vers suivant : moqué par les grands arbres de la forêt, le petit sapin demande qu’on lui explique. Les arbres lui répondent : « Nous prenons feuilles au printemps, toi, tu es plein de piques. Puisque tu es différent, tu dois être méchant. ». On ne te connaît pas, tu nous menace. En 1977, Alain Souchon chantait dans « Poulailler’s song » : « La djélaba, c’est pas c’qui faut sous nos climats.. ». C’était il y a 33 ans, le problème n’est pas neuf.

 

Par contre, interdire le niqab pour les résidentes, mais l’autoriser pour les touristes, ça fait une loi à deux vitesses et ça pose d’autres questions. C’est un peu particulier. Mettre en comparatif le fait qu’on est tenu à un certain dress code  quand on visite un pays islamique (pas de décolté, pas de tenue en montrant trop), ça n’est pas un argument. Il est possible que, selon les pays, on ait des règles différentes car les musulmans font du respect de leur religion une priorité qui n’est pas la notre. Il est plus délicat de penser que pour un seul et même pays, il puisse y avoir plusieurs règles selon celui à qui elle s’applique. En même temps, c’est le même dilemme qu’avec les sans papiers entrés sur le territoire avec un visa touristique. Pour les touristes, ça passe, mais pour les résidents, c’est non.

L’éducation, plus que la peur, permet de gérer la différence, de l’accepter. Mais ça ne répondra pas à la question des intentions de l’autre, vécu comme se cachant, et de toute la fantasmatique qui en découle, et de l’engrais que cela représente pour les champs démagogiques de la classe politique et journalistique.

 

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8 mai 2010 6 08 /05 /mai /2010 19:44

            Le sujet du jour portera sur les réseaux communautaires. Je pensais à cela,  d'où pouvait venir cet engouement, ce plaisir à mettre aux yeux de tous des bribes de notre vie, exposer ainsi qui nous sommes et ce que nous faisons, et je me suis demandé comment on se comportait dans ce lien à l'autre par internet interposé.

            Hormis le coté ludique et le plaisir d’utiliser une nouvelle technologie qui nous rend présent à tous, qu’est-ce que cette nécessité de garder un contact si appuyé avec notre entourage ? Avant cela, on téléphonait, on écrivait des lettres, ou encore avant, on passait de longues périodes sans avoir de nouvelles. De nos jours, c’est pratiquement heure par heure qu’on peut savoir qui fait quoi, réagir sur l’évènement, créer une proximité que les kilomètres rendent impossible. Mais justement, qu’en est-il de cette proximité, de ce possible perpétuel, de cette non-séparation ?

            Il y a quelques années, une publicité pour un forfait de portable, les premiers avec heures gratuites, montrait deux amoureux qui s’embrassaient sur le quai de la gare. Le train arrivait et emportait la fille. Elle décrochait son téléphone, le garçon sur le quai répondait alors que le train les éloignait l’un de l’autre. Le slogan : « Plus rien ne pourra nous séparer ». Comme dit Patrick Baudry, le sociologue, « Quoi de pire ? », car même s’il est très plaisant de ne pas être séparé de l’être aimé, sa présence perpétuelle finit par être néfaste. On a tous entendu parler de ces couples qui crisent gravement à l’arrivée de la retraite, car ils avaient passé toutes ces années en ne se voyant que peu, et ils se retrouvent collés l’un à l’autre et s’en trouvent fort peinés. La présence constante de l’autre, même si elle est fantasmatiquement très attrayante, est en fait compliquée. Le psychisme a besoin de temps de pause, de vide, pour penser et construire. L’abondance ne donne envie de rien. On ne désire pas la bouche pleine. L’enfant construit sa capacité de représentation pour pallier le fait que sa mère est parfois absente. L’omniprésence de la mère ne nécessiterait pas une telle construction psychique et rendrait inutile la construction de telles facultés. Pourtant, sans capacité de représentation, nous serions ben peu de chose. Bref, le psychisme a les moyens de penser une chose en dehors de sa présence, et peut le faire pour son bien, car c’est avec ces constructions internes qu’il pense, alors que la présence réelle apporte d’autres éléments, extérieurs ceux-ci. Donc, comment pouvons-nous penser et rêver l’autre s’il est toujours là ? Et peut-on gérer d’avoir plein d’amis en même temps ? Avons-nous le temps pour chacun, ou est-ce un semblant de relation, comme un tout petit fil de lumière, mais qui en fait ne dit rien.

            Ce qui me questionne, je pourrais le formuler ainsi : vers quelle forme de pensée allons-nous si la technique met à notre portée le lien permanent à l’autre ? Bien sûr, il convient de faire la distinction entre les différents liens affectifs, car on ne parle pas de la même chose pour l’enfant en développement et les copains à l’autre bout de la France. Mais dans un cadre quotidien, cela changerait-il les choses ? Comment se transforme notre monde interne dans lequel nos représentations de relation évoluent si nous savons, jour après jour, ce qu’il advient de nos amis lointains ? Comment dire « Je suis content d’avoir de tes nouvelles, depuis le temps… » ?

 

            Mais cette question n’est qu’un aperçu d’une autre question plus vaste, comme la technologie change-t-elle nos modes de vie ? Voire notre façon de penser…

A suivre

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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 02:38

La symbolique du savoir contre le Réel du corps malade

 

Je lisais ce jour le rapport réalisé par Claire Compagnon et Véronique Ghadi sur la Maltraitance « ordinaire » dans les établissements de santé. Bien entendu, cet état des lieux révolte, et laisse perpétuellement un gout de « ça ne devrait pas se passer comme ça… ». Il y a de nombreux témoignages qui parlent d’irrespect, d’injustice, de non-sens, de violence des rapports humains. Pour compléter cet écrit, Claire Compagnon est intervenue à l’émission Le téléphone sonne sur France-Inter le 29 janvier 2010, émission qu’on peut écouter sur ce lien : http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/letelephonesonne/index.php?id=87954

 

La question est d’élucider la dimension paradoxale du phénomène. Pourquoi des professionnels de la santé, des gens qui ont suivis une formation et qui, pour la plupart, ont choisi leur métier, pourquoi le font-ils en occultant une dimension si prépondérante de leur travail ? Comment peut-on vouloir travailler dans le secteur du soin, c'est-à-dire auprès de patients et de malades, et en arriver à un comportement aussi rude qui va à l’encontre de la mission première. Autrement dit, comment peut-on, lorsqu’on veut soigner les gens, en oublier qu’il faille prendre soin de l’humain.

Il faudrait se pencher sur les motivations premières de chaque branche professionnelle. En ce qui concerne le personnel infirmier, ma pratique m’a permis de noter une différence entre les personnes qui avaient suivi leur formation à la sortie du Bac, donc plutôt dans de jeunes années et celles qui avaient repris un cycle de formation après une pratique professionnelle parfois toute autre, changement professionnel nourri par une véritable vocation. Bien sûr, il y a de jeunes professionnelles (j’utilise ce terme générique pour parler des infirmiers et infirmières, en tenant compte du fait que la gente féminine y est massivement représentée) qui ont la fibre, qui ont compris quelque chose du rapport à l’autre, mais quelle ne fut pas ma surprise en entendant également « qu’être infirmière, c’était l’emploi assuré ». C’est trois années d’étude, et au bout, il y a du boulot. Dans ce cas, quelle est la racine de la motivation professionnelle ? Qu’est-ce qui motive réellement celles et ceux qui veulent être « personnel de soin » ? Heureusement pour elles, les soins infirmiers offrent des postes très techniques, où elles pensent pouvoir se trouver des compétences. Mais malgré cela, l’objet sur lequel on travaille reste une personne et comme je le rappelle parfois, derrière le numéro de dossier ou la porte de la chambre, il y a quelqu’un, avec un nom, un prénom, une famille, une histoire. Il y a de l’autre, et la configuration de la relation n’est pas des plus naturelle, entre quelqu’un qui est en besoin de, et un autre qui est là pour apporter une réponse à ce besoin. Il y a une relation asymétrique, entre quelqu’un en état de demande, et quelqu’un considéré comme étant en capacité de lui répondre.

Comme le corps infirmier n’est pas le seul à intervenir auprès d’un malade, on pourra aussi faire une remarque sur le corps médical. J’ai deux points de vue. Il y a le point de vue d’une de mes connaissance qui finit ses études de médecine, et qui pense s’orienter vers la radiologie. « C’est bien la radiologie, dit-il, parce que si tu ne veux pas voir les patients, tu restes dans ton bureau, tu regardes tes documents et tu dictes ton rapport sur magnéto, mais t’es pas obligé de voir les gens… ». Je me demande quand même ce qu’il est enseigné en médecine pour fonder les futurs praticiens dans l’idée que les patients peuvent se passer de leur parole, de leur regard, du contact. Comment est-il concevable que ceux qui voient dans notre corps qui dysfonctionne, ceux qui savent pourquoi on a mal, pourquoi ces mêmes se permettent de rester dans le silence de leur bureau ? Lorsqu’on reçoit un compte rendu d’examen, celui-ci est transmis au généraliste, et à la lecture du document par le patient, la première réaction est souvent : « On verra bien ce qu’en dira le médecin ». Car c’est généralement ce qui est attendu, la parole de l’autre, de celui qui sait (car Docteur, ça signifie « celui qui sait et partage son savoir »), et qui va mettre des mots sur cet inconnu qui inquiète : l’origine de la douleur ou de la dysfonction.

Beaucoup de plaintes de maltraitance parlent de cela, du fait qu’on ne sache pas, qu’on doive attendre des heures pour savoir. L’importance du savoir, et je vais là me servir un peu de Jacques Lacan pour expliquer (un peu j’ai dis, pas de panique), l’importance du savoir réside dans sa capacité à circonscrire cette zone d’angoisse qu’est l’inconnu de l’origine de la douleur. Lorsque le corps passe à l’acte par un mal, lorsqu’un organe ne marche plus, ou lorsqu’une tumeur se déclenche, en y pensant bien, que pouvons-nous en dire ? On peut parler de la douleur et du ressenti, donner des indications pour que le médecin affine son diagnostic, mais au fond, les mots qu’il va mettre sur tel petit bout de moi, sur telle protéine ou sur tel composant sanguin, moi personnellement, qu’est-ce que j’en sais ? Et si on généralise, de ce corps qui jusque là fonctionnait correctement, qu’est-ce que j’en connais ? Qu’est-ce que j’ai à en dire, qu’est-ce que j’en maitrise ? Et tout cela, tout cet indicible, simplement parce que je n’ai pas les mots ou les images mentales de ce qu’il se passe en moi, et bien tout cet inconnu en moi, ça provoque de l’angoisse, parce que ça ne peut pas prendre de sens. Mon corps vit sa vie, en dehors de mon Moi psychique et pensant, et je n’ai aucune prise là-dessus, et c’est ce qu’on appelle le Réel. Cependant, il y a un moyen de ne pas rester pétrifié, et ce moyen, c’est justement de mettre des mots, mots qui vont donner un sens à ce qu’il se passe dedans, et qui vont limiter l’angoisse. Et bien sûr, ces mots, ils sont dans le vocabulaire du médecin. C’est un des messages diffusé par les soins palliatifs : prenez le temps de parler avec les patients.

Le second point de vue de médecin que je pourrais apporter est celui de mon médecin personnel. Au cours d’une consultation, il me prescrit une échographie. Je suis un peu surpris de la démarche et il me dit : « J’aime autant vérifier. Si vous étiez mon frère, c’est ce que je vous conseillerais… ». Et j’ai trouvé dans cette réponse une telle belle démarche d’humanité, de sensibilité, un dialogue, pourrait-on dire, entre frères humains. Par ces mots, j’ai compris qu’il faisait attention à moi, et peut-être même que mon cas le souciait. Et ça, cette préoccupation pour ma personne, cette façon de réduire la distance patient-médecin, ça a participé à une sorte de réassurance bienvenue. Finalement, peu importe de savoir s’il faisait ce coup trente fois par jour, il m’a juste donné l’impression que je n’étais pas seul avec mon problème et lui avec son diagnostic. Là, il y a eu du lien et par là même, du réconfort.

Cependant, cette situation de proximité, il faut pouvoir l’assumer, il faut pouvoir la tenir. Car, revenons au thème principal, à savoir la maltraitance du patient par des personnes qui devraient en prendre soin. Comme le dit Claire Compagnon dans son document, elle parle « des comportements inadaptés qui ne sont vraisemblablement que des défenses par rapport à leur propre malaise » (p.60). Ce qu’il se passe dans le rapport avec le corps de l’autre, malade, c’est le rappel de la non-existence de l’immortalité. C’est un peu abrupt dit comme ça, car rares sont ceux qui se pensent immortels, mais il y a cependant en l’homme une protection qui met à distance l’idée de la mort, dont nous faisons si rarement l’expérience. Le surgissement de la maladie, même dans des cas d’années d’installation, rappelle à tous qu’un jour, nos enveloppes charnelles cesseront. Et avant cela, il y aura la douleur, il y aura la dépendance, il y aura la fragilité, il y aura la vieillesse et son cortège de pertes. L’image d’un corps, c'est-à-dire cette partie de nous sur laquelle nous avons si peu de contrôle, qui ne va plus comme on voudrait, c’est un peu comme un navire dont les commandes ne répondrait plus. Et cette présentification de « ce qu’il pourrait nous arriver » déclenche des mécanismes de défense, dont une des manifestations les plus marquantes est la négation. N’est-ce pas ce qu’on reproche, allongé dans son lit d’hôpital ?  « On ne nous parle pas, on nous dit rien, on est des numéros. Mais même malades, on est des êtres humains... ». Et c’est cela qui est mis à distance, par ce défensif malhabile qui évite cette reconnaissance de cette humanité partagée, ainsi que ton corps qui me dit qu’un jour, je pourrais être comme toi. On arrête de prendre soin par peur d’être trop proche, de trop voir ou trop ressentir. On arrête de prendre soin parce que la mise à distance de la personne qu’est l’autre me protège de ce que la maladie du corps évoque chez moi. C’est, je crois, ainsi que la proximité de la mort met en jeu des mécanismes de défense qui se traduisent par de la maltraitance. Pour le médecin, c’est très dur, car son arsenal de connaissances peut lui laisser croire qu’il sera davantage prémuni, ce qui est faux. La médecine à beau savoir, à la fin, c’est toujours la mort qui gagne. Pour le personnel soignant, c’est pire, car c’est souvent lui qui reste sur les dernières lignes, dans les derniers soins, quand on ne sait pas encore qu’il n’y plus rien à faire, où quand il faut être au plus près de ces corps meurtris, pour les laver, les bouger, les nourrir.

            Alors, que faire ? De mon point de vue de psychologue, les solutions ne se comptent pas par centaines. Je crois qu’il est nécessaire de permettre au personnel de soin et de santé de parler sur ce qu’il vit. Il faut se trouver les espaces, les moyens de dire, face à cet indicible. Il faut refaire du lien dans la parole, pour qu’elle circule alors que le Réel de la maladie fait qu’elle s’arrête. Il ne faut pas oublier l’adage qui conseille « Etre entendu pour pouvoir écouter », pour tenir dans son for intérieur face à l’autre, et auprès de l’autre. Tu as ton corps, j’ai mon corps, et ta maladie n’est pas ma maladie. Avoir la force de cette attention, de passer de « to cure » à « to care », qu’on peut traduire en français par soigner dans les deux cas, mais aussi par « soigner » et « prendre soin », ou comme quand on fait un travail soigné. Garder en tête ce mot si précieux qu’est « bienveillance », et ce qu’on ferait pour nos proches. Mais également démobiliser les motivations des défenses psychiques, c'est-à-dire de ne plus vivre le corps de l’autre comme une atteinte, comme une crainte de ce que je ne veux pas voir en moi, profiter de notre jeunesse pour en donner un peu à ceux qui ne l’ont plus, ne pas avoir peur….

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4 décembre 2009 5 04 /12 /décembre /2009 22:53

            La question du jour portera donc sur l’identité nationale, très à la mode en ces jours.

            Comme cela a déjà été mis en lumière il y a longtemps, on peut faire un lien entre le développement d’un individu et celui de l’humanité. Il y a des phases, des crises, des dépassements, des figures parentales, des naissances et des morts, des principes organisateurs. L’adolescence se voit souvent accolée au terme de « crise » (qui vient de décision, jugement, et aboutit souvent à une action suite à cette décision) car la personne vit quelque chose de suffisamment troublant pour être capable de trouver en elle les réponses à ses questions.  L’adolescence est le moment du passage à l’acte du corps, de la puberté, de l’annonce de la vie sexuelle à venir, du lâchage de l’enfance, de la découverte de l’autre, de la découverte de soi dans la nouveauté des rôles sociaux et des capacités intellectuelles pour penser cela. Les enjeux sont tellement divergents qu’aucune solution ne se trouve, à moins de renoncements terribles. C’est, quand on a quinze ans, un peu effrayant. Alors, le Moi, coordinateur du psychisme, va tenter de faire avec tout ça, ce qu’on s’est construit jusque là, ce qu’on aime, qui on croit être, notre parole qui est, peu à peu, prise en compte comme celle d’un grand, comme dans les responsabilités ou les choix.

            La construction de l’identité, ce sont ces choix et ces rejets, ce qu’on prend pour être «  pareil » ou qu’on jette pour ne pas y ressembler. Il y a des choix qui sont faits, même si beaucoup de choses sont déterminées par ce qui est déjà en place.

 

            Et cette identité, qu’en est-il quand elle se passe au niveau national ? Ne sommes-nous pas, en ce moment, en train de nous poser la question de qui nous sommes avec, parmi nous, une proportion certaine d’éléments que nous n’identifions pas comme étant notre ? Qu’en est-il de ce que nous acceptons et refusons ?

            Mais revenons un peu sur la question de l’identité. L’identité est un concept ambivalent, c'est-à-dire qu’il signifie plusieurs choses. L’identité, c’est à la fois ce qui fait que les choses sont pareilles, mais aussi qu’elles sont uniques, crise identitaire pour dire que je ne suis pas comme toi ou que je me questionne sur mon identité. Papier d’identité, pour dire que je suis moi, et pas un autre. De l’identité, on passe à l’identique, qui veut dire « pareil ». J’ai mon identité de français, régionaliste, citadin, habitant du quartier, jusque dans ma famille ou ma génération, car je suis comme ceux qui partagent ces critères avec moi, à la différence des autres. L’identité, il n’y en a qu’une, mais si on constate l’identité de deux choses, c'est-à-dire qu’elles sont identiques, alors, elles sont pareilles. Nous laisserons de coté pour le moment les différentes composantes de l'identité, ce qui complexifierait le débat.

 

Qu’est-ce à dire que d’incorporer en notre similitude, en notre identité, en du « pareil », d’autres si différents de nous ? Que signifie d’être musulman dans la patrie du vin rouge et du saucisson pur porc ? Qui s’identifie à l’autre ? Car l’identité va dans les deux sens : partagerons-nous nos sandwichs à l’ombre des moquées ? Célébrerons-nous l’Aïd el-Kebir comme le 14 juillet ? Et plus précisément, est-ce qu’Abdel peut se dire français ? Est-ce que Mustapha est un français ? Et puis-je intégrer dans ma définition, considérer au même titre que moi que je reconnais comme français, que Mohammed soit français ?

Psychologiquement, l’échec du maintien de l’identité, de l’union de l’individu psychique à ce stade de sa vie peut prendre de graves formes psychopathologiques, la plus connue étant la schizophrénie, qui veut dire « coupure ». Coupure de l’être en deux (ou plus), car échec du Moi à intégrer tout ça.

Et lorsqu’on voit la joie de la communauté algérienne à la victoire de son équipe, on peut se demander de ce qui s’est raté de cette intégration identitaire pour que ces français célèbrent la victoire d’un autre pays ? Et que se passe-t-il si la coupe du monde nous offre un France-Algérie ? Est-ce qu’il faudra faire jouer des voleurs ? Ça ne doit pas être facile de courir avec les mains coupées mais ça évitera les fautes…

 

La société a encore un travail à faire, travail de transformation de son identité, c'est-à-dire de qui elle est. Les autres ne seront pas incorporés, assimilés, dissous sans que la société n’en garde des changements. Ceux qui nous font nous poser la question de l’identité nationale font partie et changent la société qui les accueille, comme les découvertes de la vie adolescente modifient la personne en train de les vivre, comme on change quand on rencontre quelqu’un…

Comme quand on dit : «    - Mais tu as changé, toi, non ?

- Oui, je crois que j’ai rencontré quelqu’un... »

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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 10:00

Il me fut demander par une partie de mon lectorat mon avis sur l'empathie.

C'est vrai que c'est une notion importante, souvent mal comprise et utilisée parce que le mot peu usité a un petit caractère technique qui donne l'impression qu'on s'y connait.

On le confond souvent avec la sympathie qui, étymologiquement proche, ne recouvre pas tout à fait la même notion. Dans les deux cas, "pathie" vient de pathos en grec, douleur qu'on ressent, et qui désigne maintenant par extension, toute maladie ou dysfonctionnement biologique. "Sym" veut dire "avec", comme dans symétrie où une chose va avec une autre dans les mêmes proportions. "Em" veut dire " dedans". La différence est alors le lien psychique établi par rapport à l'autre.

Alors que la sympathie définirait plutôt quelque chose de l'ordre du reflet, souffrir comme l'autre, en miroir, en double flèche, ou éprouver comme l'autre, (cette personne m'est sympathique, c'est-à-dire qu'il y a des choses que nous partageons, que nous ressentons ensemble), l'empathie exclut cette co-sensation. On comprend ce que l'autre ressent, mais sans en subir le ressenti. Ainsi, on peut être empathiquement proche de quelqu'un, mais sans toutefois être sous le joug d'un ressenti qui accable. C'est plus intellectualisé.

C'est une donnée essentielle dans la prise en charge de malades, car il convient de rester à la bonne distance professionnelle et de rester opérationnel dans ses pensées. L'empathie permet de comprendre ce qu'un malade ressent, au-delà du diagnostic, d'entendre la personne qui parle de son symptôme, de sa douleur. La proximité empathique, souvent mal maitrisée par les médecins ou le corps infirmier, est ce qu'ils évitent pour rester clairs dans leur diagnostic ou leurs actions et éviter d'être pollués par un quelconque ressenti. Cependant, ça laisse le patient bien seul avec son sentiment de ne pas être entendu. L'approche empathique doit se situer dans cette bande étroite, entre trop grande distance et trop grande proximité, la première n'étant pas très porteuse pour le patient, la seconde est nuisible pour le professionnel.

La subtilité consiste à écouter le patient, et simplement entendre cette plainte, ce témoignage de son pathos, mais sans le prendre à son compte. On peut entendre parler de la douleur, sans s'en charger, sans la prendre sur ses propres épaules. Cela revient à dire : "Je vois bien que tu portes une lourde charge, et que tu peines. Mais cette charge (ta maladie, ta douleur), je ne peux la porter avec toi (ça, ce serait de la sympathie). Par contre, je peux être le témoin de ta peine, et t'assister, t'encourager pour que tu n'ais plus l'impression d'être seul dans ton effort.". Autrement dit, l'action qui succède à la compréhension empathique, c'est de l'accompagnement. J'ai compris que tu portes une lourde charge, je marche auprès de toi, mais je ne porte pas ton paquet, ce qui me permet de pouvoir marcher auprès de toi, et que tu ne sois pas seul.

Dans les faits, être empathique commence par pouvoir prendre cinq minutes auprès du patient, lui ouvrir une petite fenêtre, un petit moment de parole, c'est-à-dire rien qu'à lui, et non pas laisser trainer une oreille distraite ponctuée de "Oui, oui" pendant qu'on fait un soin délicat. C'est garder toujours à l'esprit que, ce dont parle le patient, c'est de son vécu, et que ça a sa réalité, malgré les antalgiques prescrits. Il ne s'agit pas d'une discussion argumentée à ce moment là. On laisse venir la parole, ce qu'il a à dire. Ensuite, on reformule, ce qu'il a dit lui, et non ce qu'on en ressent. On atteste, on témoigne de ce qu'on a entendu et reçu, mais ça reste les dires du patient, à lui.

                Voila.

 

En réponse à un article précédent sur le film "Il y a longtemps que je t'aime", je ne pense pas qu'il s'agisse d'empathie entre les deux soeurs. D'une part parce que celle qui sort de prison n'en dit rien. Elle ne parle pas de son geste, ni de son incarcération, ni de son ressenti, sauf peut-être à la toute fin, mais on ne verra pas les réactions de sa jeune soeur. Pareil pour la jeune soeur (jouée par Elsa Zilberstein), elle vit son truc, quelque chose de très vivant, avec sa famille, ses enfants, la remise dans la vie de sa soeur qui vient de faire 15 ans de prison, pour se racheter de la trahison obligée par les parents. Chacune des deux est dans son truc, dans son moment de vie, et je ne vois pas trop où il y a de l'empathie là-dedans....
De la souffrance, oui...

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22 novembre 2009 7 22 /11 /novembre /2009 16:06
J'ai eu hier soir la grande surprise de découvrir un film : "Il y a longtemps que je t'aime", dont voici un lien pour la bande-annonce.


http://www.dailymotion.com/video/x4obec_il-y-a-longtemps-que-je-taime_shortfilms

Film brillant de Philippe CLAUDEL, avec Kristin Scott Thomas et la lumineuse Elsa Zylberstein. Voyez ce film avant de lire la suite.
AVERTISSEMENT : cet article s'adresse à ceux qui ont vu le film, car je parle de faits qui ne se dévoilent quà la fin, et dont il serait dommage de perdre la saveur par une lecture trop précipitée.


Bien, vous l'avez vu? Poignant, n'est-ce pas?
Les questions qui sont posées à la fin font le quotidien des Soins Palliatifs.
"pourquoi ne nous as-tu rien dit?
- Et alors, qu'est-ce que ça aurait changé? Qu'est-ce que vous auriez fait, quand il hurlait de douleur?"

Cette histoire parle de l'euthanasie d'une mère sur son jeune fils, porteur d'une maladie héréditaire, des années d'emprisonnement qui s'ensuivent, et du silence qu'elle garde éternellement pour elle. Le film parle aussi de la lutte de sa soeur durant toutes ces années, puis à sa sortie de prison pour la ramener du coté de la vie, car la douleur est telle que plus rien ne l'atteint, ne la concerne.
" Le meurtre d'un enfant, c'est une prison dont on ne sort jamais."

Comment, une fois quelque chose de cet ordre vécu, on peut encore s'inscrire dans le monde des hommes. Si la justice faisait convenablement son travail, un idéal nous dit qu'il y a une issue possible. Crime, punition, réhabilitation. et le travail commence là : comment permettre à cette femme de se réhabiliter à ses propres yeux ? Comment donner un sens à sa vie, suite à son acte? Là où la vie se déroule selon les chemins les plus normaux, amour, enfantement, parentalité, et lorsque la maladie vie tout fausser, et la mort comme seule issue vient tout arrêter, qu'est-ce qu'on peut encore attendre de cette vie quin'a pas tenu sa promesse?

Oui, la question est grande, et la réponse n'existe pas. Tout est à construire, dans cette vie que tout a ravagé.
Mais dans ce film, il y a aussi ce médecin iranien qui a sur son bureau la photo de sa famille, périe sous les bombes. se frappant le coeur, il dit : " La guerre n'est pas si forte que ça, car ils sont toujours là..."

L'exemple que donne la soeur est simple : être, encore, là. Car pour elle, la vie ne s'est pas arrété, et elle se poursuit à la sortie de prison de sa soeur ainée. Et il faut continuer à vivre...

Sinon, en ce qui concerne l'accompagnement, il faut voir  "Et après..." avec John Malkovich et Romain Duris.

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